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Caffé – Burlot Thierry Costes – par Patrick Faus

: cuisine banale

: cuisine d’un bon niveau

: cuisine intéressante et gourmande

: cuisine de haut niveau… à tous les niveaux

: cuisine exceptionnelle

Une des forces de l’empire Costes est qu’il ne laisse pas indifférent. Il y a le pour et le contre, le rejet ou l’enthousiasme, le mépris ou l’adhésion, les modeux et les jaloux, les exhibitionnistes et les frustrés, les faux gastronomes refoulés et ceux qui, finalement, trouvent que dans l’ensemble on n’y mange pas si mal. Lorsque le landernau gastronomique de la capitale a appris que le chef Thierry Burlot ouvrait le Caffé Costes (en lieu et place de l’ex Appart), la surprise fut de taille. C’est peu de dire qu’il était attendu au tournant et sommé de s’expliquer devant les ayatollahs de la pensée culinaire lisse et consensuelle pour avoir osé pactiser avec le diable. L’homme en a vu d’autres et ce vieux routard sinon brisquard de la restauration parisienne ne se laisse pas impressionner par si peu. Comme pour beaucoup d’autres, son talent parle pour lui.
De fait, le Caffé est une réussite. Connaissant la famille Costes, dont Thierry depuis presque dix ans, les deux hommes se sont fait confiance et Burlot a globalement fait ce qu’il avait envie de faire et ce qu’il sait faire à savoir un restaurant où l’on mange bien, et si possible original dans le style et le décor. C’est le cas au Caffé.
Le chef renoue avec ses amours d’antan puisque son premier restaurant à Paris était de cuisine italienne qu’il affectionne et admire particulièrement. Première surprise : on n’a pas l’impression de rentrer dans un restaurant Costes tant le décor, dû à deux stylistes italiens spécialistes des années vintage 1950/60, est original, plein de fraîcheur avec ses plantes vertes à foison et ses couleurs claires, de modernité décalée, mais cependant fort confortable dans les banquettes et dans l’espace entre les tables. Deux salles différentes dans le décor et l’ambiance dont l’une plus « salon », et une troisième au sous-sol pour de grandes tablées ou une privatisation totale pour le soir. Le fameux « service Costes » ? Disparu ! Ici, des filles « normales », des garçons souriants et efficaces et une très bonne gestion de la salle. Sur les tables, huile d’olive (Iolao, de Sardaigne au fruité magnifique), olives, et gressins donnent le ton… Une très belle carte des vins propose un choix remarquable à égalité entre la France et l’Italie, à des prix relativement élevés, dont le premier blanc italien à 45 € et le premier rouge à 31 € (Valpolicella). Le beau choix de vins au verre (4 blancs, 4 rouges) permet de belles découvertes ou confirmations comme ce superbe Orvieto 2010 blanc, originaire de Ombrie.
La carte est presque entièrement dédiée à l’Italie avec ses classiques revisités par Thierry Burlot… et ça change tout ! Culatello di zibello D.O.P. : charcuterie d’exception en provenance de la plaine du Pô…. grande qualité. Tartuffata, œufs bio à la cuillère & truffes de Toscane : copieux (3 œufs) et bien sur la truffe. Polipo, poulpe de roche cuit fondant, piment calabrais & citron bio : cuisson parfaite, servi avec des pommes de terre tranchées fines et le coup de fouet subtil de l’huile d’olive et du citron. Un plat grandiose de fraîcheur et de goût. Parmigiano, risotto, bouillon de poule, parmesan & truffes : texture impeccable, suave, peut-être un poil salé (le parmesan ?) mais la truffe emporte tout. Un plat superbe. Milanese, côtelette comme à Milan de veau label rouge : bonne idée de la côtelette plutôt que les escalopes feuilles de cigarettes servies en Italie. Beau morceau, fine panure, tendre et goûteuse. Servie avec un petit gratin de pâtes bien crémeux… délicieux.
Amatriciana, penne & lard de Collonata A.O.C. : cuisson parfaite, une sauce tomate de folie (il la prépare en bocaux à la fin de l’été), du lard, du parmesan…c’est ça l’Italie de Burlot et ce n’est pas loin d’être la meilleure. Quelques gelati espressi turbinés minute pour finir en fraîcheur ou par la découverte du crémeux et fondant Tirame’su veneziano.
La renaissance de Thierry Burlot ? Sans aucun doute. Son talent éclate à chaque plat remarquablement réalisé et réussi grâce à une exigence de qualité des produits et de l’assiette qui met la plupart des restaurants italiens loin derrière. Une cuisine à la forte identité de goût et totalement identitaire. L’Italie est enfin à Paris.

Questions à Thierry Burlot

Gourmets&Co : Vous avez la réputation d’aimer le changement dans votre métier. Le Caffé est-il une nouvelle étape ou une installation plus définitive ?

Thierry Burlot : J’ai fait plein de restaurants, je me suis beaucoup amusé et je n’en regrette aucun. J’ai construit ma carrière comme un salarié qui n’était pas salarié. J’aime les expériences différentes, mais le Zebra Square devait être une fin de tout ça mais qui finalement n’a pas marché pour plein de raisons. J’ai pris six mois sabbatique et j’ai plus tard rencontré Thierry Costes qui voulait faire quelque chose du lieu. Je lui ai donné mon idée qui lui a beaucoup plus. J’avais une expérience des restaurants italiens avec mon premier Serafino puis bien sûr Armani pendant cinq ans.

Quel était le concept du départ ?
Sortir des codes « costiens », ne pas faire un restaurant mais un lieu, un endroit où les gens se sentent bien, confortable avec de l’espace, lumineux le midi et plus tamisé le soir, et pour la première fois j’ai pris mon temps pour tout organiser.

Quid de la conception de la carte ?
Je suis un peu dans la même logique que chez Armani à l’époque, à savoir quelque chose de très classique italien mais par contre très pointu dans les produits. Je pense et je voudrais que nous soyons un refuge pour venir bien mangé un plat ou un repas italien. En plus, je travaille toujours avec Erwann Gestin en cuisine. Nous sommes ensemble depuis dix ans.

Trois personnages qui ont marqué votre carrière ?
Jean-Pierre Biffi, chef chez Potel & Chabot avec qui j’étais chez Maxim’s. Jean-Paul Bonin avec qui j’étais au Crillon qui m’influence toujours beaucoup. Alain Ducasse qui a été le révélateur de ce que l’on ne doit pas être et de ce que l’on peut être. Un exemple pour moi, même si je n’ai jamais travaillé avec lui.

Le « déclic » cuisine pour vous ?
Je n’en ai pas vraiment eu sauf par ma grand-mère bretonne à qui j’ai demandé un jour pourquoi elle faisait un grand gâteau breton tous les jours, et qui m’a répondu : « on ne sait jamais quelqu’un pourrait arriver ». C’est mon déclic inconscient car ma passion c’est recevoir et cuisiner.

La différence essentielle entre la cuisine italienne et la cuisine française ?
La française est technique, l’italienne est ménagère.Tout est là. La française est codifiée régulièrement, l’italienne ne l’est pas et reste très régionale. Il n’y a jamais eu un Escoffier italien.

Quel est votre plat phare depuis l’ouverture du Caffé ?
Langouste vivante et spaghetti, recette de « Centuri » (village de pécheur de langouste, en Corse). Spaghetti (que je fais venir de Naples), chair de tomates artisanale, basilic.

Vous allez rester un peu ?
Je ne bouge plus. J’ai l’âge de rester tranquille. C’est la maturité, d’ailleurs j’aurais dû appeler le restaurant « Maturité » !

Caffé
9, rue du Colisée
75008 Paris
Tél : 01 53 75 42 00
M° : Franklin Roosevelt
Fermé dimanche
Menu (déjeuner) : 29 € – 2 plats à choisir dans une proposition de 3 recettes en entrées, plats et desserts. Le tout change chaque semaine.
Carte : 50 € environ

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